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15 décembre 2013
Alain Lipietz

Contribution à l’enquête publique sur la ZAC Aragon

Suite à la réunion avec les associatifs, j’ai rédigé au nom du groupe EELV de Villejuif la contribution suivante, qui conclut au rejet de la Déclaration d’utilité publique pour la ZAC Aragon. L’enquête s’est terminée le 20 décembre après-midi à la mairie de Villejuif.

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Et dès que vous êtes convaincus, signez en ligne la pétition de l’Association des Habitants et Riverains

***

Madame la Présidente,

Je vous écris en tant qu’animateur du Groupe EELV de Villejuif, et membre de l’Association des Habitants et Riverains de la Zac Aragon. Par ailleurs Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, je connais bien la problématique des Zac, dont j’ai soutenu le principe il y a 40 ans avant de constater leurs dérives.

A son origine, l’idée de Zone d’aménagement concertée semble présenter bien des avantages.
- Elle est « concertée ». Mais entre qui et qui ? Fondamentalement, entre les aménageurs –promoteurs et une collectivité. Des lois successives ont tenté d’élargir la concertation aux habitants eux-mêmes, avec avis d’experts indépendants.
- Elle est placée sous une autorité unique qui, en échange de l’« utilité publique » du projet, obtient un droit dérogatoire au principe de propriété : le droit d’expropriation.
- Cette utilité publique se matérialise notamment par le financement d’un certain nombre d’équipements publics, outre le système de voieries et réseaux divers secondaires que financerait de toute façon un promoteur.

Or le projet de Zac Aragon ici sous enquête n’est ni concerté, ni d’utilité publique.

Il est au contraire imposé à une population quasi-unanime pour le rejeter (par deux pétitions ayant recueilli des centaines de signatures, appuyées de manifestations répétées dont la presse s’est faite écho). Il serait réalisé au profit exclusif d’un aménageur, la Sadev-94, et de ses clients, les promoteurs. Ce que nous allons vous exposer en montrant successivement : qui est la Sadev, que le périmètre de la Zone n’a aucun autre sens que la valorisation de ses acquis fonciers, que les expropriations ne font que traduire les desiderata commerciaux des promoteurs, que les financements d’équipements publics prévus par le principe des Zac ont été détournés de façon extrêmement contestable. En outre, les enquêtes publiques précédant celle-ci et incluant ce projet de Zac ont conclu à des prescriptions non-respectées.

1. Un aménageur contestable.

Le projet de ZAC a été attribué à un concessionnaire, la Sadev-94, Sem qui a fait l’objet d’un rapport dévastateur de la Chambre régionale des comptes (CRC) . Ce rapport s’appuie précisément sur le cas de la ZAC Aragon.

Le rapport relève d’abord d’étonnantes évaporations de fonds publics, sous forme essentiellement d’étranges gaspillages en contrats de sous-traitance (informatique, recrutement) et d’erreurs comptables, et détaillant par exemple deux pseudo-indemnités de licenciement « pour faute grave », pour un montant total avoisinant le millions d’euros, dont celle de son directeur, son licenciement étant ensuite requalifié pour optimisation fiscale et l’intéressé maintenu à son poste pendant un an, puis promu à la présidence d’une filiale, la Sadev-Mali !

Ces développements de l’enquête de la CRC ne nous concernent pas ici, encore que l’on puisse s’étonner que les magistrats et le préfet, instruits de ce rapport, n’aient pas satisfait à l’obligation que leur fait l’article 40 du code de procédure pénal de communiquer ce rapport au procureur de la République. On peut surtout s’étonner que le premier magistrat de la ville de Villejuif, actionnaire de la Sadev et délégatrice de la concession du projet de Zac Aragon, ait maintenu sa confiance à cet aménageur avant que l’affaire ne soit éclaircie.

Mais l’intérêt principal du rapport de la Chambre est qu’il éclaire, à partir notamment du cas de la Zac Aragon, le mécanisme de « position privilégiée » permettant à la Sadev-94 de facturer ses services de manière à financer une évaporation de fonds de cette importance.

Voici l’analyse de la CRC (p.76) :

« La stratégie opérationnelle de la Sadev94 s’appuie sur la conduite d’études préalables et la maitrise des charges foncières.

Les études préalables ont, certes, vocation à évaluer les enjeux d’un territoire, mais aussi à emporter la décision des élus locaux d’investir dans des opérations d’aménagement. La Sadev 94 identifie, elle-même, les zones à potentiel, à court ou moyen terme. Après avoir réalisé cette « veille de marché », elle laisse à la collectivité le soin, soit de réaliser des études complémentaires, soit de créer une Zac directement. (…)

Les études pour le compte de la Sadev 94 peuvent s’accompagner ou non d’acquisition de terrains. Elles peuvent conduire, le cas échéant, à la création d’une Zac puis à l’attribution, à la Sadev 94, de la concession.
Pour la Sadev 94, les études sont un moyen d’approfondir sa connaissance des potentiels du territoire, mais, compte tenu des coûts importants, elles ont clairement pour finalité de permettre à la Sadev 94 d’être désignée comme aménageur.

Les acquisitions du foncier, avant la création de la Zac, ont systématiquement mené à la désignation de la Sadev 94 comme concessionnaire d’aménagement. »

C’est le cas, emblématique, du projet de ZAC Aragon, dont voici le scénario, que le rapport de la CRC permet de reconstituer :

• Conduite d’étude préalable sur initiative Sadev.
• Achat des terrains correspondants (Achat du terrain Edf pour 7 M€ au 1er trim. 2010)
• Transformation par la municipalité du périmètre d’étude Sadev en projet de ZAC (Nov 2010)
• Attribution de la concession à la Sadev (puisqu’elle est seule à avoir fait une étude préalable et contrôle le foncier) : 15 décembre 2011.

Naturellement, cette position privilégiée et les surprofits qu’elle permet (et qui permettent les évaporations dénoncées par la CRC) nécessitent à tout le moins la complaisance du Conseil Général (communiste) du Val de Marne et des diverses municipalités communistes (et quelques socialistes) actionnaires et clientes de la SEM Sadev-94, dont celle de Villejuif. Notons enfin que le président de la Sadev-94 est conseiller général communiste de Villejuif, ainsi que le président du Syndicat d’Action Foncière du Val de Marne, SAF qui sert à l’occasion de porteur du foncier avant que la Sadev, devenue concessionnaire, ne le récupère.

Tous ces achats de terrains sont bien entendu réalisés à crédit, mais bénéficient de la garantie hors-bilan des collectivités territoriales communistes concernées. C’est notamment le cas pour la Zac Aragon : en dépit du fait que le traité de concession à la Sadev précise que l’opération se fera « aux frais, risques et périls du concessionnaire », deux emprunts de la Sadev, pour 15 millions d’euros, bénéficient de la garantie municipale.

Ainsi, non seulement ces collectivités se sont mise d’elles-mêmes sous la position dominante (et susceptible de tous les abus) de la Sadev, mais encore elles assument les risques de son surendettement en cas d’éclatement de la bulle immobilière à laquelle la Sadev, par son activisme foncier, contribue puissamment dans le Val de Marne. Rappelons que, lors de l’éclatement de la précédente bulle immobilière (celle de 1992), la Sidéco, ancêtre commun de la Sadev et du Saf et qui procédait de la même manière, s’est retrouvée pendant près d’une décennie avec les terrains des ZAC du nord-Villejuif sur les bras, l’endettement étant assumé partiellement par la Ville, et les terrains laissés à l’abandon.

2. Un projet sans unité urbanistique, en fonction de la stratégie promotionnelle de la Sadev

.

Un coup d’œil sur le plan du projet révèle, par son caractère hétéroclite, le véritable abus de procédure que représente le projet de ZAC Aragon.

Ce projet, à peine dessiné dans le rapport de présentation (un peu plus dans le rapport d’évaluation « actualisé », et donc susceptible de nouvelles modifications), se réume à la valorisation du terrain Edf en rasant ce qui le sépare de la Nationale 7, plus des « confettis » discontinus, éléments de bric et de broc et discontinus, égrenés un peu plus loin le long de la N 7 (aujourd’hui RD 7 ). En réalité, cela aurait pu se faire par confettis séparés et sans Zac… sauf que la Sadev avait besoin de la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) pour réaliser certaines expropriations.

Notons que la menace d’expropriation a été utilisée (et annoncée en mairie pour les parcelles concernées) dès le vote du projet par l’actuelle majorité municipale, soit 3 ans avant la présente enquête d’utilité publique. Manœuvres d’intimidation sans base juridique, ces pressions parfois insupportables ont été appuyées par l’installation d’un squat particulièrement bruyant dans le local exproprié « La Bouée », dont le vacarme nocturne a bien failli faire plier les plus récalcitrants, jusqu’à ce qu’une manifestation des habitants excédés devant le conseil municipal, le 17 octobre dernier, mette fin (provisoirement ?) au vacarme.

a) Expropriation, en vue de les raser, de l’Hôtel de France et du triangle pavillonnaire au coin Bd Maxime Gorki /Ave Louis Aragon.

Il s’agit du seul point véritablement en jeu dans la Déclaration d’Utilité Publique ! Si l’on estime que l’Utilité Publique ne vaut pas la peine de ces expropriations, la Zac doit être rejetée. [1]

La justification réelle en a été donnée lors des houleuses « réunions de concertation » : les promoteurs (Sadev et acquéreurs de droits à construire) exigent un accès direct du terrain EDF à la RD 7. Cette exigence des promoteurs est confirmée par une lettre de Mme Cordillot à Mme Hamidi, présidente de l’Association des habitants et riverains de la ZAC où elle confirme que c’est une demande du « bureau d’architectes » de la Sadev. Dans le langage de la « Présentation générale » du dossier d’enquête publique, p. 2, cela s’appelle : « Rendre visible le renouvellement urbain sur les rives de la RD7 dans la partie sud du Bd Maxime Gorki ». C’est donc pour « rendre visibles » les nouveaux bâtiments que l’on rase, et pour cela on exproprie. Et on commence déjà à vendre à des promoteurs d’immobilier de bureau (tels Le Nouveaux Constructeurs).

-  L’Hôtel de France sépare actuellement le terrain EDF de la Nationale 7. C’est un très bel hôtel 3 étoiles (ancien classement), aux chambres meublées avec originalité de façon variée, qui emploie une vingtaine de personnes, flanqué d’un joli jardin où le propriétaire a collectionné les arbres. Il a eu l’intelligence de tisser très tôt un réseau de tours-opérateurs (Grande Bretagne, Danemark, Allemagne, Russie etc). Idéalement placé entre Orly et Paris au terminus d’un accès direct par métro à 20 minutes du centre touristique de Paris, il ne désemplit pas, les autocars s’arrêtant directement devant chez lui sans gêner la circulation sur la RD 7.

La Sadev veut le détruire, ce qui assurément permettrait une coquette plus value-foncière pour le vaste terrain Edf se trouvant derrière. Elle propose de construire un autre hôtel dans le « confetti » le plus étriqué, inaccessible aux autocars, au sud de la Zone, angle Maxime Gorki /Jean Lurçat !

-  Les pavillons à l’angle du Bd Maxime Gorki et l’Avenue Louis Aragon, coté Est, seraient expropriés et rasés pour être remplacés par une placette, permettant de « rendre visible le renouvellement urbain » ! Pour une placette, l’emplacement du squat « La Bouée » suffirait… En fait il s’agit toujours de valoriser par une meilleure exposition le terrain EDF. Parmi les victimes de cette soi-disant opération d’utilité publique : un couple d’enseignants replié de Palestine sous la pression des autorités d’occupation et qui avait bâti à Villejuif une école de langue, une villa de style et de mobilier Arts Décos, un couple de personnes âgées proclamant que si elles étaient expropriées on pourrait les conduire directement au cimetière…

Il faut le dire : ce massacre humain, justifié officiellement par des raisons purement esthétiques (« rendre visible »), alors que l’on ne sait rien des merveilleux projets architecturaux dont la splendeur serait telle qu’il serait d’utilité publique de pouvoir les contempler depuis la Nationale 7 (est-il prévu un concours d’architectes ?), n’a aucune autre justification que la plus-value de situation à réaliser sur le terrain EDF.

b) Les autres « confettis » du projet de ZAC et le cas du terrain Mollicone.

Les autres « confettis » de la zone, dispersées au nord sur la Nationale 7, sont destinés à la construction d’immeubles d’habitation. Nous revenons plus loin sur ce choix, mais, urbanistiquement parlant, le principal problème est la tour projetée sur le terrain Mollicone, terrain en pleine terre et arboré, depuis longtemps cédé à la ville pour le prix plus que "compétitif" de 397 000 euros, à l’angle Bd Maxime Gorki/Rue du Moulin de Saquet. Ce prix très faible était justifiée par l’intention affichée à l’époque par la Ville (en 2005 !) d’y réaliser « un équipement d’intérêt général ou à vocation collective » [2]. Le voici (derrière, quelques pavillons non expropriés et la cour de récréation de l’École Robespierre) [3] :

Ce projet de tour est peu explicite dans le dossier, si ce n’est dans l’étude d’impact qui déguise mal le fait qu’il plongera dans l’ombre la cour de récréation du groupe scolaire Robespierre et ce quartier pavillonnaire. Cette tour R+13 constituerait un « signal de centralité », alors que le centre est bien loin et que, en face de ce « signal », la rue du Moulin de Saquet, qui conduit effectivement à l’Ouest de la RD 7 vers le centre-ville, est en sens interdit, irréversiblement !

La destruction de ce petit terrain vert, certes trop petit pour être strictement sanctuarisé par le Sdrif 2013, est contradictoire avec les orientations proclamées du CDT Campus Science et Santé, qui promettent au contraire la préservation et la valorisation des espaces verts subsistants. D’ailleurs, dans sa conclusion de l’enquête publique sur le PLU de Villejuif, p. 157, la commissaire Mme Blanchet précise :

« Le SDRIF 2012 préconise que dans les villes denses carencées en espaces verts, au nombre desquelles on peut compter Villejuif, on tende vers 10m2 d’espaces verts publics par habitant à horizon 2030. Actuellement le coefficient de Villejuif se situe à 6,4%.
L’arrivée des nouveaux habitants prévus fera mécaniquement baisser ce chiffre.

La Ville a retenu la solution qui consiste à végétaliser les toitures et les murs, mais la mise en œuvre de cette technique est très délicate et son entretien risque de représenter un budget non négligeable qui se répercutera sur les charges des locataires, des copropriétaires ou des entreprises ayant fait ce choix.
Il n’y a pas de foncier disponible pour créer de nouveaux espaces verts publics, mais la ville a mis en place une politique d’ouverture d’espaces verts et de parcs jusqu’ici inaccessibles au public. Cependant on arrive rapidement au bout des possibilités offertes. »

Et nous avons pourtant ici le cas d’un terrain vert en pleine terre, propriété publique, que la Sadev se propose d’urbaniser, alors que les « 6,4 m2 » des habitant de ce quartier se concentrent essentiellement sur le Parc départemental des Hautes Bruyères, à 20 minutes à pieds, et lui-même menacé de démantèlement par une autre Zac ! Va-t-on compenser cette destruction par un toit végétalisé en haut de la tour ? De qui se moque-t-on ?

Les habitants sont particulièrement mobilisés contre ce projet de tour, et proposent au contraire le maintien de l’espace vert, avec au plus une crèche ou une maison de quartier.

3. Un confetti fantôme : le terrain de la gendarmerie

On s’étonne de l’absence dans cette « ZAC » de tout équipement public, hormis un projet non précisé de 170 m2, soit 0,02% de la surface construite (un morceau d’un étage de la tour du Terrain Mollicone ?) En quoi consiste alors la contribution à l’utilité publique de la Zac ? Il ne peut s’agir de la voirie axiale de la zone, la RD 7, qui vient d’être requalifiée par le Conseil général. Ni du métro M 7 qui existe depuis belle lurette. Ni du tramway T 7 qui vient d’ouvrir. Ni de la Ligne Rouge M15 qui ouvrira d’ici 2020, financée par l’État et la Région.

Bref, cette « Zac » représente l’antithèse du principe des Zac : faire contribuer les aménageurs et promoteurs au financement des équipements publics. Au contraire, cette soi-disant Zac profite tranquillement de la plus-value foncière générée par les équipements financés par la puissance publique (en l’occurrence : État, région, département), sans y contribuer en rien. Pire, elle crée un besoin de nouveaux équipements, notamment scolaires. Le rapport de présentation évoque à ce sujet un projet d’école à près d’un kilomètre de là, sur le terrain des réservoirs de la Ville de Paris, mais il n’est nullement question que la ZAC Aragon participe à son financement.

Comment expliquer une telle absence de contribution à tout financement au profit de la ville de Villejuif, ville terriblement endettée et à la recherche désespérée de financements externes ?

Pour le comprendre, il faut (fictivement !) réintégrer dans la ZAC un terrain central, celui de l’ancienne gendarmerie, à l’angle de la rue de la Commune et du Bd Maxime Gorki, côté Nord-Ouest.

Ce lot, chaînon manquant entre le terrain Edf et les confettis du Nord du projet de ZAC, qui aurait pu donner à cette Zac une apparence de continuité, était la propriété du Conseil Général depuis la désaffectation de la gendarmerie. Ses 12 appartements et ses locaux communs étaient destinés à un centre d’hébergement d’urgence pour les familles, comme cela s’est fait dans d’autres villes du département.

Il est estimé par les Domaines à 3,1 millions d’euros. La Ville de Villejuif vient de le racheter, pour 2,1 millions d’euros, au Conseil général, en vue de la destruction de son bâtiment et de la location du terrain, à bail emphytéotique pour un loyer couvrant simplement la démolition, à l’Association des Musulmans de Villejuif et du Val de Bièvre, afin d’y bâtir la seconde mosquée de la ville.

Passons sur les critiques du projet de mosquée : subvention de 3,1 millions à un culte dérogeant au principe de laïcité [4], présence de longue date d’une autre mosquée autofinancée, encombrement assurés le vendredi après-midi sur la Nationale 7, voisinage immédiat d’une basilique copte dont les fidèles, ayant fui les persécutions islamistes en Égypte, multiplient les recours contre ce voisinage, etc. Et attachons-nous au financement des 2,1 millions à charge de la Ville.

Le protocole d’échange prévoit un paiement sans soulte au Conseil Général sous forme d’une douzaine d’appartements, pour un prix et une surface équivalents, à prélever sur les immeubles à construire dans les futures ZAC de Villejuif. C’est à dire, compte tenu des délais prescrits (30 novembre 2018), essentiellement dans la future ZAC Aragon [5].

Monsieur Lebris, premier adjoint en charge de l’urbanisme, a bien voulu exposer devant le conseil municipal de Villejuif [6] . L’aménagement de la Zac Aragon génère une plus-value foncière dont une partie doit retourner à la collectivité (c’est en effet le principe même de la procédure de ZAC). Cette somme prendra la forme des appartements en question, livrés gratuitement à la Ville par la Sadev et les promoteurs. Ces apparentements sont donnés par la Ville au Conseil général en échange de la gendarmerie. Et le terrain de cette gendarmerie sera cédé au projet de mosquée pour 99 ans.

La Mosquée (si jamais elle se réalise) constituera donc l’essentiel de la contribution de la Zac Aragon aux équipements publics de la Ville. Cependant, on ne trouve aucune trace de ce montage abracadabrant dans le projet soumis à enquête publique, comme si ses clauses devaient être tenues cachées pour la population consultée.

Je laisse la Commission d’enquête publique apprécier la validité d’un tel montage financier, au regard de la laïcité, au regard de la transparence, mais aussi des problèmes urbanistiques posés, sans compter le risque financier en cas d’éclatement de la bulle immobilière parisienne et d’échec commercial de la ZAC.

4. Logements ou activités ?

Quel sera en effet l’usage principal de la Zac : logements ou activités ?

La logique voudrait « Activités » : rééquilibrer le coefficient d’emploi de Villejuif, ville–dortoir, remplacer les emplois Edf perdus… Par ailleurs, la saturation de la demi-ligne de métro M 7 est devenue, comme prévu, insoutenable aux heures de pointe avec l’arrivée du tramway T7 . Elle est même continument remplie à toute heure. La Ligne Rouge, annoncée pour dans 7 ans, n’y changera rien, elle ne concernera que la minorité se rendant pour son travail vers Issy et Créteil et qui renoncera, on l’espère, à s’y rendre en voiture.

Tant que le site propre de surface pour autobus, annoncé et approuvé par l’enquête publique sur la rénovation de la Nationale 7, et mystérieusement disparu, n’aura pas été rétabli, la zone du terminus Louis-Aragon ne sera accessible aux heures de pointe que pour les personnes venant y travailler, pas pour les personnes quittant Louis-Aragon vers le nord pour aller travailler ailleurs. Or la suppression de ce site propre a laissé place à des trottoirs disproportionnés (et archi-glissants par temps de pluie) sur les bords de la RD 7. On pourra donc construire des logements dans la zone… quand ce site propre aura été rétabli et la ligne M 15 ouverte.

En attendant, il est souhaitable (et sans inconvénient du point de vue du système de transports) de construire des locaux de travail plutôt que des logements à cet endroit. Problème : ce que propose le projet de la Sadev, et que confirment les premières annonces de promesses de vente, ce sont des immeubles de bureaux à louer ou à vendre. Or Villejuif, comme toute l’Ile de France, est déjà saturé de bureaux restant vides ! C’est le cas, quelques centaines de mètres au sud de la zone, aux Églantines sur la Nationale 7 (en face du centre commercial Carrefour).

L’Ile de France est visiblement en proie à une bulle immobilière de bureaux (de l’ordre de 6 millions de mètres carrés de bureaux vides), dénoncée récemment par une étude fracassante de Immo Group Consulting. [7] Il y a un risque financier énorme à construire de nouveaux bureaux sur Villejuif sans les avoir « pré-remplis » par la commande précise de futurs occupants.

En revanche, la ville a besoin d’hôtels ou ateliers pour entreprises de haute technologie (électronique ou biogénétique), de mécanique, de construction. Les étudiants des écoles d’ingénieur de Villejuif qui auraient l’intension d’ouvrir une petite entreprise ne trouveront pas de locaux adéquats sur le projet de ZAC présenté.

Coté logements : le projet propose 50 % de logement sociaux ! C’est deux fois la norme de la loi ALUR, alors que la ville est incapable de maintenir la qualité de vie et la tranquillité publique dans ses 38 % de logement sociaux. Il s’agit en fait d’installer un nouveau ghetto dans la zone de bruit de la RD 7. En effet, le projet regroupe les logements pour l’essentiel sur la RD 7, dans sa zone de bruit. Ne serait-il pas plus logique de mettre les logements au calme, dans la profondeur du terrain Edf, au sud-est de la zone pavillonnaire, et les locaux d’activité en bordure de la Nationale 7 ?

Il faut résolument recalibrer le projet, afin de rétablir la mixité sociale dans la ville et protéger sa population nouvelle des nuisances sonores et de la pollution diesel.

5. Phasage

Pour mémoire, les conclusions des enquêtes publiques sur le CDT et sur le projet de PLU sont formelles : il faut prendre le plus grand soin du phasage entre les nouvelles constructions sur les Zac futures de Villejuif et la croissance de leur desserte en transports en commun.

Comme nous l’avons dit plus haut, cela ne vaut pas pour les locaux d’activité, puisque les rames de métros arrivent à vide de Paris le matin et repartent vides le soir aux heures de pointe. En revanche, il serait déraisonnable de construire des logements avant la nouvelle desserte par la ligne Grand Paris M 15 (vers 2020) et surtout avant la mise en place d’un site propre pour autobus sur la Nationale 7. C’est d’ailleurs la première réserve explicite durapport de la Commissaire enquêtrice sur le PLU de Villejuif (p. 158. L’autre réserve concerne la zone de bruit et de pollutions aux abords de l’autoroute A6, mais cette recommandation vaut évidemment pour la RD 7.) :

« 1- Il conviendrait que la Mairie de Villejuif étudie les moyens de pallier les inconvénients liés au décalage de plusieurs années entre la livraison des premiers immeubles d’habitation et de bureaux (2017) de la ZAC Aragon et l’arrivée de la nouvelle ligne 15 aux stations Aragon et IGR (2020) et celle du prolongement de la ligne 14 à la station IGR (2023). »

Or on ne trouve aucune trace de ces mesures dans le projet de Zac, qui ignore tout aussi bien la réserve équivalente sur le rapport d’enquête du CDT Campus Sciences et Santé. La mesure concrète qui en découle est pourtant simple (même à quantité constante de logements construits) : rétablir le site propre sur la RD 7 AVANT toute construction de logement. [Le site propre n’a été réalisé qu’au Kremlin-Bicêtre et dans le seul sens Banlieue-Paris. Ici nous n’avons pas les mêmes contraintes de largeur entre bâtiments existants qu’au Kremlin-Bicêtre , mais en cas de contrainte on peut envisager un site propre dans le sens Sud]

Ajoutons qu’un énorme chantier va paralyser (et même couper) l’avenue Louis Aragon pour construire cette ligne M 15. Il est prévu de 2015 à 2018. Les habitants de ce quartier, qui viennent de subir plusieurs années de stress avec les chantiers (épouvantablement mal organisés) de la rénovation de la RD 7 et de la construction du tramway, et qui s’apprêtent stoïquement à subir le « trou » pour la construction de la gare Grand Paris (à ciel ouvert) sur l’avenue Louis Aragon, ne supporteraient pas au même moment l’ouverture de nouveaux chantiers sur les « confettis » tout au long de la RD 7.

Conclusion.

Le projet de Zac Louis Aragon n’est rien d’autre qu’une occasion de valoriser un terrain acquis antérieurement par la Sadev, et quelques petits terrains épars au long de la Nationale 7. Il ne représente aucunement un projet urbain cohérent, les expropriations demandées n’ayant pour but que de valoriser, du point de vue du prospect, les futurs bâtiments que construiront les promoteurs. Sa seule contribution aux équipements de la ville est le financement occulte d’une seconde mosquée. Les habitants sont vent-debout contre un tel projet, ni concerté, ni d’utilité publique. Enfin, accepter tel quel le projet revient à faire fi des conclusions des précédentes enquêtes publiques, dévalorisant aux yeux des citoyens la notion même d’enquête publique.

Pour ces raisons, Madame la Présidente, nous vous demandons de rejeter la déclaration d’utilité publique.

Bien entendu, des terrains libres existent sur cette zone, dont le terrain Edf. Ce serait l’occasion d’y bâtir un éco-quartier à dominante emploi (mais pas principalement des bureaux), avec les habitations en retrait de la Nationale 7 et aux normes sociales de la loi ALUR. On pourrait même y envisager l’implantation d’une seconde mosquée, et – si l’on tient à souligner le passage de la Nationale 7 au droit du centre-ville - imaginer une passerelle végétalisée entre le terrain Mollicone (rendu à sa vocation d’équipement public) et la rive Ouest de la Nationale 7. Un plan de zone a été suggéré par les associations lors de l’enquête publique sur le PLU . Pour tout cela il n’est nul besoin de procédure de Zac, simplement d’une concertation réelle avec les habitants.

En espérant ne pas avoir abusé de votre attention, je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de ma considération distinguée.

Notes

[1Il existe semble-t-il un autre pavillon restant à exproprier dans l’un des confettis.

[2Villejuif notre ville n°12, Janvier 2006.

[3Photo aérienne Googlemap de ce jour.

[4Selon un arrêt du Conseil d’Etat de 2011, cette dérogation à la loi de 1905 est légale. La contestation porte sur son montant, le million d’euros de différence entre l’évaluation des Domaines et le prix de cession entre CG et Villejuif étant justifié par un mystérieux problème de décontamination. A noter que l’association cultuelle ne voulait pas d’un bail emphytéotique, mais souhaitait acheter elle-même un terrain, comme l’a fait la première mosquée de Villejuif, avenue Youri Gagarine.

[5Passé ce délai, la Ville devra rembourser le département en numéraire. Le département concède donc à la Ville (et indirectement à la mosquée) un crédit gratuit de 5 ans, mais ce délai risque d’être bien court en cas d’éclatement de la bulle immobilière.

[6Rappelons que la M7 bifurque à Maison Blanche, se partageant entre Ivry et Villejuif. Pour une discussion des problèmes de transports à Villejuif dans le cadre du Grand Paris, voir notre réponse à l’Enquête publique Ligne Rouge Sud (M15) .

[7Le groupe Xerfi parle, sur son site télévisé, de 3,8 millions de M2 immédiatement disponibles, pour 1,3 millions vendus dans les 9 premiers mois de l’année 2013 : .

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http://www.vaverts.fr/spip.php?article254