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21 avril 2014
Alain Lipietz

EELV et UMP à Villejuif

Comme nous l’avons appris par la presse, les militant-e-s d’EELV à Villejuif ont été suspendus pour 6 mois par les autorités du parti. Nous avons aussitôt interjeté un recours. La base juridique de cette suspension est extrêmement fragile. Mais nul n’ignore le fond de ce qui nous est reproché : la fusion de notre liste avec celle qui avait au premier l’investiture UMP.

Nous avons aussitôt été désabonnés des listes de débat interne de EELV. Récemment rebranchés sur la liste Alphavert, nous avons pris connaissance de ce qui se disait de nous en notre absence.

Selon les partisans de notre suspension, notre crime serait que nous avons fusionné au second tour, non avec le bloc du PCF et de ses satellites à Villejuif, mais au sein d’une « quadruple alliance », l’Union citoyenne, dont une composante, celle de Franck le Bohellec (arrivée en tête et donc à qui le poste de maire était destiné, notre tête de liste Natalie Gandais se retrouvant 1ere adjointe) avait l’investiture UMP et MEI. Les deux autres étaient : l’une « DVG » (celle de Ph. Vidal), l’autre avait l’investiture UDI se présentait comme « centriste », quoique le président du MoDem local, qui avait appelé au vote Hollande, se retrouvât sur la liste le Bohellec.

Nous n’insisterons pas sur les raisons de la révolte générale des Villejuifois (y compris certains communistes qui ont voté pour nous) contre la liste soi-disant de gauche que nous combattons depuis un quart de siècle, sans que cela ait causé souci aux Verts. On nous en reconnaissait le droit... Résumons-les en deux mots : stalinisme (au sens propre) et productivisme. Les lecteurs du présent site ou du site de L’avenir à Villejuif les connaissent par cœur.

Le problème c’est d’avoir, pour se débarrasser enfin de cette soi-disant gauche, franchi le pas d’une alliance avec une liste « UMP », sur les quatre composantes de l’Union citoyenne. En réalité, les 4 listes étaient dès le départ des listes « citoyennes » avec très peu de militants estampillés…

Un mot quand même de la liste « UDI », dont la tête de liste était en fait le leader historique de la droite sur Villejuif, M. Harel. C’est à cause de lui que certains membres de notre liste ont refusé de figurer sur celle du second tour. Belle impatience, mais mauvais calcul : M. Harel s’est éliminé tout seul et sera notre opposition de droite. Mais attention ! Parmi ses quelques fidèles, sa seconde de liste était une fan de la candidature Eva Joly, et parmi ceux qui nous sont restés fidèles (et avec qui nous travaillons désormais en toute amitié) l’un avait suivi l’école de cadres du PCF et en avait été débarqué pour avoir dénoncé un cas de corruption de la mairie PCF. Etc.

Ignorant tout de ces subtilités locales, on nous a donc suspendus et ostracisés pour avoir participé à une alliance avec l’UMP. Sur quelle base ? La référence la plus explicite (et la plus fréquemment citée sur Alphavert) dans un texte fondamental, mais non statuaire, du parti, est cet extrait de notre manifeste EELV :

« Mais le poids de l’histoire et la réalité politique obligent à constater que l’attachement viscéral des partis de droite aux formes les plus sauvages du libéralisme, vecteur privilégié de l’approfondissement des crises, système rigoureusement incompatible avec la mutation écologique, rend les rapprochements impossibles, du moins au niveau des alliances électorales. »

J’insiste en passant qu’un manifeste n’a pas valeur statutaire, c’est un « constat » comme il est dit, et même ici un constat littéraire et un peu approximatif dû principalement à la plume flamboyante de l’ami Jean-Paul Besset, à charge pour chaque niveau responsable de EELV (et, pour les municipales, c’est statutairement le groupe local) de vérifier « le poids de l’histoire et la réalité politique », "l’attachement viscéral", etc

Demandons nous, toujours en passant, sur quels terrains autres qu’électoraux des rapprochements seraient possibles, aux yeux des rédacteurs, avec l’UMP. Sur le terrain législatif, comme il arrive parfois au parlement européen ? Mais les partisans de telles « occasions » comme Dany Cohn-Bendit ou Yves Cochet, soutenaient aussi le choix électoral des EELV Villejuifois.

Les plus anciens Verts se souviennent que je fus parmi les premiers à prôner l’alliance à gauche dès 1992, au moins au second tour, alors qu’en 1995 D. Voynet , au second tour Chirac-Jospin, la refusait encore. J’ai participé alors à définir ce que nous avons appelé « autonomie contractuelle » : en toute autonomie, le parti de l’écologie politique passe des contrats, et le fait est qu’ils sont plus faciles à passer avec la gauche classique qu’avec la droite classique.
Dans le cas de Villejuif, nous n’avons jamais pu passer, depuis 1995, aucun accord avec la mairie PCF et ses satellites. Ceux qui nous ont suspendus n’ont pas hésité à donner le logo à la liste PCF… sans aucune discussion programmatique. Juste « comme ça ». Cadeau. En échange de ?

Pourquoi avons-nous pu passer contrat avec la liste de Frank le Bohellec ? Parce que nous avons pu sans problème (et en fait dès le 19 décembre) définir les termes d’un contrat.

Or ce contrat de second tour, que vous pouvez lire ici, n’a rien de libéral. C’est d’ailleurs plus une licence poétique qu’une analyse théorique qui a fait écrie aux rédacteurs du Manifeste EELV que notre opposition à la droite porte sur le « libéralisme extrême ». L’UMP comme le PS a cédé à la vague libérale des années 80. J’ai travaillé jusqu’à cette date (en tant que haut fonctionnaire) pour l’ancêtre de l’UMP, l’UNR, qui n’était pas libérale mais dirigiste. Jusque dans les années 70 (?), le prix de la baguette était fixé en conseil des ministres, ça ne faisait pas de De Gaulle et Pompidou des hommes de gauche.

Le FN reste ou est devenu dirigiste. Le PCF Villejuifois était dirigiste au premier degré : il sous-traitait tout l’urbanisme de Villejuif à son aménageur attitré et pompe à fric du PCF, la Sadev, mais au second degré la Sadev sous-traitait à Vinci et Cie. Parfois même le PCF modifiait le POS directement pour complaire à Vinci ou à LCL.

Mais revenons à l’UMP. L’UMP villejuifoise de M. le Bohellec est planiste et participative, comme nous. Son caractère d’UMP ne nous est pas encore apparu sur le plan économique, si ce n’est que face au « trou » budgétaire légué par l’équipe sortante (et que les coupes Valls ne vont pas arranger), elle cherche et trouve immédiatement des sponsors pour financer l’Association Sportive de Villejuif. On peut regretter cet expédient, mais elle aurait pu choisir de diminuer la voilure de l’ASV… ou quêter au Qatar.

Mais comme l’a montré un excellent article de Nonna Meyer (« Le clivage gauche-droite ne cesse de s’accentuer », Le Monde du 28 mars), ce qui définit et unifie la « droite » aujourd’hui, FN compris, ce n’est pas la question libéralisme / dirigisme, mais la question « identitaire » : « l’ethnocentrisme » (mot poli pour « racisme »), contre l’universalisme au moins verbal de la gauche. Et c’est cela, bien plus que les fluctuantes options économiques pour ou contre le dirigisme, qui explique l’aversion justement éprouvée par EELV pour l’UMP de Sarko – Copé, alors que Chirac restait « fréquentable ». Une question de valeurs.

Bon, alors : la liste Nouvelle Dynamique de Franck le Bohellec est-elle ethnocentriste ? La réponse est sur la photo. Sa seconde de liste (désormais adjointe) est d’origine marocaine. Et pas « que » d’origine : puéricultrice, elle rentre régulièrement au pays dans le sud marocain pour des missions de développement médical « là-bas ». Le suivant de liste, candidat comme moi à la vice-présidence du Val de Bièvre, est d’origine ivoirienne. Et pas « que » d’origine : il a été conseiller de Laurent Gbagbo, dont il vante encore les mérites contre le « françafricain » Ouattara. Et au total sa liste était aussi ‘diversitaire’ que le notre, ce qui n’était pas peu dire (avec deux Roms sur notre affiche de campagne).

Et c’est avec tous ces militants et militantes soi-disant « UMP » ou « UDI » que nous travaillons. Avec émerveillement de s’entendre si bien, face aux visages pâles de la liste « de gauche ». Des militant-e-s comme on en aurait aimé en avoir.

La vrai question est plutôt : « Mais qu’est-ce qu’ils fichent à l’UMP ? » En fait , peu ont leur carte, et quand ils l’ont, ils détestent Copé…

P.-S.

À la lecture de ce texte, Jean-Pal Besset m’a fait parvenir la lettre suivante, qu’il m’autorise à publier.

Mon cher Alain,

on m’a transmis un texte que tu as écris sur Alphavert et dans lequel tu fais allusion au Manifeste (dont j’ai effectivement écrit l’essentiel) à partir duquel certains t’ont violemment intimé la sortie.

Sache pour ta gouverne et pour la "vérité" de cette histoire que ce passage "interdisant" toute alliance à droite, y compris localement, ne figurait pas dans mon projet initial. Je plaidais au contraire, de manière mesurée, pour des partenariats possibles, surtout sur le terrain local, avec des collectifs ou des individus dont l’histoire n’était pas forcément à gauche mais qui évoluaient dans le sens de l’écologie et du bien commun.

Ce passage a été "amendé" par le bureau exécutif de l’époque, réécris, afin de revenir dans les clous d’une "écologie de gauche" doctrinaire et excluante dont vous faites les frais aujourd’hui.

Croyant bien faire afin de ne pas bloquer la dynamique qui nous réunissait à l’époque, avant les assises de Lyon, connaissant la sensibilité à fleur de peau des Verts après les déchirements sur le "ni ni", j’ai accepté cette modification dans un souci de compromis. Je n’aurai pas dû car cet oukase idéologique est, de mon point de vue, précisément devenu un des principaux frein à notre développement et à la diffusion de nos idées dans la société. Il m’est particulièrement pénible de savoir que ces quelques lignes ont servi de prétexte à votre condamnation.

Amicalement à toi.

Jean-Paul Besset

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