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22 novembre 2011
Natalie Gandais

Compte-rendu du débat sur la Santé à Villejuif

Sur son territoire, Villejuif concentre trois hôpitaux où travaillent de nombreux Villejuifois. (6000 dans le secteur hospitalier, pour une population de 53000 habitants).
Plusieurs structures publiques, 40 médecins généralistes et divers spécialistes complètent l’offre de soins. Cette offre correspond-elle aux besoins et aux attentes des habitants ? Comment les personnels de santé perçoivent-ils les récentes réformes et ré-organisations édictées par la droite ? Qu’attendre d’une politique de santé écologiste ?

COMPTE-RENDU

Une trentaine de personnes ont participé à notre débat sur la Santé à Villejuif.

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Natalie Gandais, Renée Sebag, Mireille Becchio

Le débat était co-animé par Natalie Gandais (animatrice du groupe local) et Renée Sebag-Lanoë (ancien chef de service en gériatrie – soins palliatifs à l’hôpital Paul Brousse). Renée Sebag-Lanoë a écrit de nombreux livres : Propos sur le grand âge - Réfléchir une expérience (2008), La douleur des femmes et des hommes âgés (2002), Vivre, vieillir et le dire (2001), Vieillir en bonne santé (1997), Soigner le grand âge (1992), Mourir accompagné (1986). Elle invitera les intervenants à exposer la situation de leur secteur, leurs éventuelles craintes pour l’avenir, et les deux points les plus importants qu’ils attendraient d’un changement politique.

En introduction, Monique Lambert-Dauvergne (du groupe EÉLV de Villejuif) présente le dispositif de santé à Villejuif

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Mireille Becchio

Mireille Becchio est médecin généraliste à Villejuif, Professeure de médecine, experte auprès de l’Agence Française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), présidente du Réseau Addiction Val de Marne Ouest (RAVMO) et membre du Formindep (Association pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes). Elle indique qu’elle n’est pas en situation de conflit d’intérêt (depuis la loi du 27 juillet 2007, les médecins qui interviennent dans les débats publics doivent préciser leur situation vis-à-vis des industries ou personnes morales ).

Elle signale une forte inégalité territoriale dans l’accès aux soins, entre l’Est du Val de Marne, et l’Ouest. Ainsi, sur les 108 psychiatres installés en ville dans le département, 15 seulement sont installés dans l’Ouest. Elle déplore que dans un contexte d’appauvrissement de la population, les gens soient de moins en moins bien remboursés, certains renonçant à payer une mutuelle, d’oû une difficulté pour les prescriptions. Elle rappelle que les écarts de salaires, qui étaient de 1 à 40 dans les années 60, sont aujourd’hui de 1 à 400 ! difficile par exemple, de faire appliquer des recommandations nutritionnelles à des personnes qui ne peuvent acheter que des pâtes à partir du jeudi… Elle dénonce la pratique de certains spécialistes, inscrits en secteur 1, qui demandent des suppléments de la main à la main. Elle en vient à inscrire sur les ordonnances de prescription d’examens « merci de pas ne pratiquer de dépassement d’honoraires ». Elle déplore que les soignants soient de moins en moins nombreux. Ainsi, pour un nouvel arrivant à Villejuif, oû quatre généralistes en retraite n’ont pas été remplacés en 2011, il n’est pas facile de trouver un médecin qui accepte de le prendre en charge.

Elle évoque les problèmes liés au lobbying de l’industrie pharmaceutique qui perdure malgré l’affaire « médiator » et au prix des médicaments. Exemples : sirops expectorants interdits pour les 0 à six ans , maintenus et remboursés après 6 ans d’âge , anti alzheimer reconnus inefficaces, iatrogènes (depuis longtemps par la revue Prescrire et récemment par la Haute Autorité en Santé (HAS), et toujours commercialisés et remboursés … Certaines campagnes de dépistages sont également coûteuses, conduisant à un risque de « sur diagnostic » comme c’est le cas des campagnes de dépistage précoce du cancer du sein (28% de sur diagnostic avant l’âge de 50 ans)

Elle décrit sa rencontre avec les lanceurs d’alerte du Formindep qui ont gagné un procès contre la HAS pour demander la révision d’une recommandation sur le traitement du diabète en 2011.

Elle souhaiterait une régulation des inégalités d’accès aux soins, l’attribution d’un « revenu de base » pour tous les citoyens, et la suppression du paiement à l’acte, remplacé par un paiement à la fonction.

Elle souligne la prévention mise en avant dans notre tract « santé ». En France 9000 personnes meurent chaque année de cancers professionnels, leur reconnaissance n’allant pas de soi. Alors qu’en Finlande, il est obligatoire pour les entreprises de déclarer et d’afficher la liste des produits toxiques manipulés, afin de prévenir, protéger les salariés, limiter leur exposition et les indemniser en cas de maladie, dès qu’ils ont été exposés 20 jours par an à ces produits.

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Ioel Detton

Ioel Detton est infirmier aux urgences de l’hôpital Bicêtre et de Paul Guiraud, il intervient dans la formation des infirmiers. Il nous a donné le texte de son intervention, il a également rédigé une note sur les réformes du système de santé depuis les années 1990

Dans le débat, il insistera sur la gravité de la situation des SDF qui cherchent domicile aux urgences, sur des situations qui devraient être traitées bien en amont, sur les étudiants pauvres qui ne se soignent pas et finissent par arriver aux urgences quand ils vont vraiment mal.

Il aimerait qu’on redonne son sens au mot Urgences, par une meilleure organisation des soins en amont. Il souhaite aussi que les moyens de prise en charge et aides soient mieux connus, pour éviter des situation où des ambulanciers refusent de transporter un malade pauvre. Une éducation du public à l’utilisation du système de soin est nécessaire. Il plaide aussi pour une éducation au premiers secours dans les lycées (refusé par Luc Chatel).

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Daniel Eyrolles

Daniel Eyrolles est art-thérapeute au centre hospitalier spécialisé Paul Guiraud (hôpital psychiatrique) et militant à Villejuif Autrement, il était sur la liste Verts VA aux élections municipales. Il décrit la configuration de Paul Guiraud, avec une UMD Henri Collin pour les cas les plus graves. Il s’inquiète que la psychiatrie soit de nouveau marquée par une image de violence, avec la réintroduction de matons.

Avec beaucoup d’humour, il explique comment la réduction du nombre de lit abouti à des situations ubuesque, où des malades partis en cure ailleurs trouvent leur lit occupé à leur retour. On les expédie alors où on peut, dans la Sarthe parfois…

La prochaine restructuration verra le départ d’un certain nombre de lits dans les Hauts de Seine, avec toutes les difficultés qu’auront les soignants, installés à Villejuif depuis longtemps, à faire déménager toute leur famille ou à accepter des temps de trajet d’une heure.

Pour faire face à la diminution de personnels en contrat à durée indéterminée, et pour éviter ds recrutement, l’administration hospitalière a recours à l’intérim, avec toutes les difficultés de confronter des malades mentaux à des personnels de passage, qui ne les connaissent pas, ne connaissent pas leurs habitudes, n’ont pas de « contrat » avec eux.

Le débat s’engage sur l’intérim, qui semble pratiqué dans tous les hôpitaux. Christophe Trivalle explique que dans son unité Alzheimer, on met désormais la photo des patients sur tout les documents les concernant, ainsi qu’au pied de leur lit, afin d’éviter des catastrophes, quand un intérimaire dit « Bonjour, vous êtes bien madame Unetelle ? »Et que la dame répond « Oui, oui » alors que ce n’est pas elle, et qu’elle s’est installée dans le fauteuil de sa voisine, pour qu’on ne lui distribue pas les médicaments destinés à quelqu’une d’autre. Ioel Detton signale d’autres situations, comme une personne se présentant à lui avec une canne et un collier cervical pour prendre un prendre un poste d’intérim, avec l’autorisation de son médecin du travail. Les intérimaires étant parfois des personnes qui font ce travail en plus de leur travail fixe dans un autre hôpital, pour gagner un peu plus. On s’accorde pour dire que cette solution est à revoir !

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Christophe Trivalle

Christophe Trivalle est médecin gériatre à l’Hôpital Paul Brousse (APHP) depuis 1997. Responsable de l’unité Alzheimer et de l’unité de Soins de longue durée. Coordonnateur du Diplôme universitaire de Prévention du vieillissement pathologique à la Faculté de médecine Paris-Sud. Rédacteur en chef de la revue NPG (Neurologie-Psychiatrie-Gériatrie). Il a écrit plusieurs livres : Vieux et malade : la double peine ! (L’Harmattan, 2010), Gérontologie préventive - Eléments de prévention du vieillissement pathologique (Masson, 2ème édition, 2009), et des articles dans la presse : Faire payer les vieux (2010), Dehors, les vieux ! LE MONDE (avril 2010), Hippocrate, réveille-toi, l’hôpital est devenu fou ! LE MONDE (février 2009). Site Internet : gerontoprevention.free.fr

Conflit d’intérêt (loi du 27 juillet 2007) : avec la plupart des laboratoires pharmaceutiques.

Il commence par dire qu’à Paul Brousse, le matin même, le comptoir de l’accueil arborait la pancarte « En panne », et que ces petits panneaux se retrouvent un peu partout dans l’hôpital… et symbolisent bien la situation de l’Hôpital !

Paul Brousse fait partie du groupe hospitalier des hôpitaux universitaires Paris-Sud avec Bicêtre et Béclère. Sur 735 lits, 535 (73%) sont des places de gériatrie. La médecine interne et le service des maladies infectieuses de Paul Brousse (avec la policlinique) ont été transférés à Bicêtre, alors que les 30 lits de SSR de Bicêtre ainsi que les malades de long séjour (soins de longue durée, SLD) sont venus à Villejuif. Du fait du départ des consultations, ceci donne lieu à un énorme trafic d’ambulances d’un site hospitalier à l’autre, avec de nombreux problèmes : retards, rendez-vous manqués, dossiers perdus, désagréments pour les malades… Par ailleurs, il y a actuellement une pénurie importante d’infirmières et d’aides-soignantes à l’hôpital en général et en gériatrie plus particulièrement.

Les craintes pour l’avenir de Paul Brousse sont multiples : disparition des services d’aigu, transfert des laboratoires, démédicalisation des lits de long séjour (SLD), pénurie de personnel soignant et médical, extension de la tarification à l’activité au moyen séjour (SSR) voire à la psychiatrie…

Il signale que l’accueil de jour Casa Delta 7 - pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer - est plus cher à Villejuif qu’à Paris, car la Ville de Paris subventionne ces structures.

Il déplore que les malades aient un reste à charge élevé, voudrait qu’on généralise le remboursement à 100% après 75 ans, quitte à taxer plus fort les personnes les plus riches.

Il souhaite l’arrêt de la tarification à l’activité, la suppression des franchises et des forfaits, et une augmentation des salaires hospitaliers pour les soignants.

Il propose que les forfaits d’hébergement en maison de retraite soient proportionnels aux revenus et que les ratios en personnel soit de 1 pour 1 (un soignant pour un résident) en soins de longue durée et d’au moins 0,8 en maison de retraite (EHPAD).

Enfin il rappelle la nécessité de créer un 5ème risque pour la dépendance, sans recours sur succession et en maintenant l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) pour les personnes en GIR 4 (dépendance légère).

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Bernadette Guenée

Bernadette Guenée est membre de la Commission nationale Santé d’EELV. Elle vient en voisine, puisqu’elle habite Bourg la Reine, où elle est conseillère municipale d’opposition. Elle est pharmacien-biologiste de formation, elle présente les proposition d’EELV telles qu’elles sont résumées sur le tract Santé et une « Fiche » en discussion sur la santé (que ce débat contribuera d’ailleurs à enrichir).

Dans le débat, elle expliquera la situation des laboratoires de biologie, visés par des regroupements, au risque de la disparition des labos de proximité.

Débat

A l’issue du débat, on s’accorde pour déplorer la place prépondérante des gestionnaires qui cherchent à faire de l’hôpital une entreprise rentable, on souhaite que les médecins, humiliés par leur bras de fer permanent avec l’administration, puissent reprendre le pouvoir contre la dictature des gestionnaires.

La question de l’intérim chez les soignants et aide-soignants apparait aussi préoccupante, ce qui renvoie au manque de personnel (Ioel Detton qui a travaillé comme intérimaire sur un poste qu’on lui refusait comme titulaire montre que c’est plus cher !)

On s’accorde aussi sur le constat de pénuries dans des spécialités telles que pédiatrie ou ophtalmologie.

On évoque aussi la non-prise en compte par la société, la famille et l’hôpital, de la féminisation du personnel soignant : il devient difficile de soigner la mercredi après midi et pendant les vacances scolaires.

Ainsi que sur la nécessité d’une meilleure prise en charge des plus démunis. Renée Sebag et Christophe Trivalle insistent que « Tout le monde devient vieux, même les pauvres et les immigrés ».

Alain Lipietz, ancien député européen et militant villejuifois de longue date, est invité à conclure.

Il part de la remarque initiale (de Renée Sebag) que des « politiques » interrogent les praticiens sur leur travail concret, et rappelle que les nutritionnistes font la même remarque. C’est que l’écologie est le seul courant politique à faire de la personne, de son corps, de son bien-être un problème politique. De même, il les remercie médecins et infirmiers d’être venus débattre une soirée avec nous : la conception d’Europe-Ecologie, « parti-coopérative », est d’élaborer ses propositions avec les professionnels et les associations.

Il rappelle les 3 piliers de la politique de sauté énoncés par Bernadette Guenée, éducation à la santé, santé et environnementale (y compris santé et travail) et soins. Nous n’avons discuté ici que du troisième pilier (le système de soins), sauf le problème de l’éducation à l’usage des urgences ! Il rappelle cependant que EELV Villejuif a organisé une première réunion sur l’alimentation saine avec la Dr Catherine Vartanian (présente dans la salle).

Sur ce système de soins, il souligne que, pour les malades et les « aidants familiaux » (qui devraient eux mêmes être formés et associés), le problème n’est pas seulement celui de la pénurie de personnel mais de l’excessive fragmentation, spécialisation des pratiques médicales, avec, si on ajoute la concentration de chaque spécialité dans un « grand » hôpital, d’incessants mouvements d’ambulances entre services, qui se heurtent sans arrêt à des frottements (retards, embouteillages, absences, dossiers non transmis…)

Il insiste pour finir sur la différence entre « prévention » (rendre sains l’environnement, les pratiques sociales et la nourriture) et le « dépistage » (qui est déjà du « soin », même si plus précoce).

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Natalie Gandais

Natalie Gandais clôt la séance en signalant qu’il manquait à ce débat un intervenant de l’IGR, mais nous en ferons un autre plus tard, car le développement de l’IGR s’inscrit dans une problématique d’aménagement du territoire et mérite un débat pour lui tout seul.

On n’a pas abordé la santé au travail, le thème sera développé dans un prochain débat, auquel nous inviterons François Desriaux, le rédacteur en chef de la revue Santé-Travail, et ancien président de l’ANDEVA (association des victimes de l’amiante).

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