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25 janvier 2014
Alain Lipietz

Pour la tranquillité dans les quartiers : casser les mafias en dépénalisant le cannabis

Depuis très longtemps, Les Verts puis EELV demandent la dépénalisation de l’usage de toutes les drogues. Plus précisément, ils demandent la mise en vente contrôlée des drogues « douces » (comme pour le tabac) et la distribution médicalisée de substitut aux drogues dures (Subutex).

Cette stratégie de lutte contre la drogue part du constat que la « guerre mondiale à la drogue » a échoué. Comme la prohibition de l’alcool aux USA dans l’Entre-2-Guerres, elle a permis la construction de très puissantes mafias tirant un profit démesuré des narcotrafics clandestins. Cette rente crée par la prohibition détruit les sociétés aux deux bouts de la chaine : dans le pays producteurs comme en Colombie ou au Mexique, dans nos cités en créant toute une économie souterraine plus rémunératrice (au moins quelques années) que tous les emplois que pourrait créer l’économie sociale et solidaire.

De plus en plus de responsables de la tranquillité publique approuvent notre stratégie. C’est évidemment le cas des Présidents des République sud-américaines. C’est le cas, en France, de l’ancien ministre de l’intérieur de L. Jospin, Daniel Vaillant, ou de Serge Supersac (ancien « grand flic », chef de BAC, de compagnie Crs, etc) que Les Ateliers de l’Avenir à Villejuif avaient invité en juillet dernier.

Mais qu’en pensent les médecins, puisqu’après tout le seul argument contre les drogues est de nature médicale (protéger les clients contre eux-mêmes) ? Que toutes les drogues sont dangereuses, médicaments, tabac et alcool compris. Ce qu’on appelle « drogues » aujourd’hui, ce n’est qu’une catégorie de drogues interdites dont les principaux dangers portent sur le cerveau (alors que le tabac est principalement dangereux pour les poumons et le cœur, l’alcool pour le cerveau et tout le système digestif). Les dangers sont de deux sortes :

-  Comme toutes les autres drogues, elles rendent peu à peu dépendant (on ne peut plus s’en passer)
-  Comme l’alcool, elles sont « psychotropes » c’est à dire qu’elles modifient le comportement. Parfois en rendant hyperactif (comme la cocaïne, d’où son usage par les artistes et les « créatifs »), d’autre au contraire « démolissent », comme l’héroïne, la colle ou le crack.

Le cannabis est considéré comme une « drogue douce » parce que, comme l’alcool, il provoque peu de dépendance et peu de somnolence quand il est consommé avec modération et rarement (un petit joint désinhibiteur pendant une fête). C’est pourquoi tous nos voisins d’Europe de l’Ouest l’ont décriminalisé voire même légalisé (Pays Bas, Espagne, Tchéquie). Ils le traitent alors comme l’alcool : des campagnes d’avertissement, mais pas d’interdiction.

Ces pays n’ont pas constaté d’augmentation de la consommation après la levée de l’interdiction, mais se sont retrouvés « exportateurs » vers des pays voisins à prohibition dominés par les mafias (France, Europe de l’Est, Balkans). Ces pays ont aussi pratiqué bien plus tôt que la France une politique de « prévention des risques » contre les drogues dures (échange de seringues), ce qui a limité à l’époque l’explosion du Sida, en comparaison de la France.

Un ado peut évidemment s’abrutir au cannabis s’il en fume tous les jours dans sa chambre. D’où l’inquiétude de nombreux parents à l’idée qu’il deviendrait plus facile de s’en procurer. En réalité, un ado qui se met à fumer dans sa chambre (comme une mère au foyer qui se met à picoler dès le matin…) a des problèmes personnels (familiaux, de travail) qui cherchent à s’exprimer, et dont il faut s’occuper d’abord !

Villejuif est devenue une plaque tournante du cannabis entre Paris et Orly. La consommation n’y a rien d’exceptionnel, mais la vente est devenue un « bizness » qui contrôle certaines citées, provoquant une hausse de la délinquance et même de la violence (à cause des règlements de compte, mais aussi par contagion vers d’autres pratiques violentes, telles que le vol à l’arraché). La prise de contrôle de ces quartiers par les mafias locales terrorise les habitants, alors qu’une partie des jeunes trafiquants vivent leur activité comme un simple bizness rémunérateur.

Quand nous sommes allés distribuer le « 4 pages » de l’Avenir à Villejuif dans les boites aux lettres de la cité Lamartine, vers 17h , nous avons déjà dû nous frayer un passage entre semi-grossistes distribuant les paquets aux petits dealers. Ils se sont effacé poliment. Mais un habitant rencontré dans les hall noua a montré le faux-plafond crevé sur plusieurs mètres carrés : certains soirs le trafic encombre tout le hall et, si les flics arrivent, dealers et clients n’ont qu’à jeter les doses qu’ils portent dans le faux plafond pour ne plus rien avoir sur eux…

Ainsi, la prohibition pourrit toute la vie de habitants, alors qu’il suffirait d’installer une « halle aux herbes » dans un coin de la cité pour avoir la paix. Mais bien sûr, c’est interdit par la loi française. Alors ça continue, puisque les BAC du commissariat ne peuvent être là en permanence. On a muré des parkings au Vercors parce que la police en perdu le contrôle, on ne peut pas murer le hall d’entrée d’une tour !

Si donc nous gagnons les élections municipales, nous créeront une vraie police de proximité pour la prévention mais nous ne pourrons réformer la loi à Villejuif. Nous aurons à nous confronter à ce problème. Nous ne pourrons pas empêcher ce trafic que la loi entretient d’elle-même, mais nous pourrons au moins faire en sorte qu’il ne se déroule pas dans des lieux où la présence des petites mafias locales terrorise les habitants.

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