Categories

Accueil > ALIMENTATION-SANTÉ > Intervention de Ioel Detton

Imprimez !
10 novembre 2011
Natalie Gandais

Intervention de Ioel Detton

Débat La santé à Villejuif - 15 novembre 2011

Intervention dans le cadre de la conférence
« Etat des lieux de la santé et Perspectives à Villejuif »
Villejuif le 15 novembre 2011, M. Ioel Detton

Mesdames, Messieurs,

Le groupe local Europe Ecologie les Verts de Villejuif m’a proposé de participer à cet « Etat des lieux de la santé et perspectives à Villejuif » en intervenant sur l’urgence hospitalière.

Je traiterai donc de la prise en charge des urgences au SAU du Kremlin-Bicêtre, les situations d’urgence à Villejuif étant orientées majoritairement vers ce CHU.

En tant qu’infirmier au SAU du CHU de Bicêtre et à Paul Guiraud, participant aux activités de la CUMP du département et de Paris et membre du CODAMUPS, intervenant également dans les instituts de formations en soins infirmiers pour les futurs professionnels, j’ai affaire aux urgences aussi bien somatiques que psychiatriques, que ce soit à Villejuif même ou dans le bassin de vie du Val-de-Marne et même au-delà.

Prendre en charge des urgences dans le cadre d’une commune, d’une région et d’un département implique un maillage d’intervenants à des niveaux différents.

Les secours et les soins sont organisés sous la forme d’une chaîne de secours dont les maillons sont intimement liés. Pour faire fonctionner cette chaîne de secours, diverses ressources, publiques ou privées, sont régulièrement mises en œuvre. Les citoyens ; les réserves communales de sécurité civile ; les médecins libéraux et les entreprises de transport sanitaire agréées ; les associations agréées de sécurité civile ; les services de la gendarmerie nationale et de la police nationale ; les services départementaux d’incendie et de secours et les forces militaires de sécurité civile ; les services d’aide médicale urgente et enfin les services hospitaliers publics et privés d’accueil des urgences…

Tous les Français doivent être à égalité devant l’urgence sur notre territoire. La population attend de nous cela : la certitude qu’une urgence, même au fin fond de la France, sera prise en charge avec les mêmes chances pour tous. Evidemment, selon les régions, l’organisation de cette prise en charge sera parfois différente mais le résultat doit être le même. La compétence des professionnels doit être garantie et la qualité de l’organisation est essentielle.

Sans détailler les lois qui régissent le système de santé actuel (vous les trouverez dans une note explicative), je pense qu’il est important de revenir sur la loi de 2004, qui a instauré les plans régionaux de santé et les groupements régionaux de santé, ouvrant ainsi la voie aux futures Agences régionales de santé (instituées par la loi Hôpital Patients, Santé, Territoire en 2009) ainsi qu’aux communautés hospitalières de territoire.

Une architecture complexe censée améliorer la gestion sanitaire nationale met fin aux DDASS et DRASS.

Au cœur de ce dispositif, les communautés hospitalières de territoire se déclinent en cinq niveaux de territoires de santé déjà délimités par les ARH, dans l’ordonnance du 4 septembre 2004 :

- Niveau « Inter-régional » (7 grandes régions avec médecine de demain et recherche...)
- Niveau « Régional » (CHU, réponse organisée).
- Niveau « Premier recours d’hospitalisation » (2ème niveau d’hospitalisation avec plateau technique et chirurgie spécialisée...).
- Niveau « Bassin de vie » (premier niveau d’hospitalisation de proximité).
- Niveau « Santé au quotidien » (médecin de ville généraliste et spécialiste ...).

Le CHU du Kremlin Bicêtre dépend du groupe hospitalier universitaire sud incluant Paul Brousse, Antoine Béclère et Bicêtre dans le cadre de la nouvelle gouvernance.

Nous disposons de 2 Box tri 1 et 2, un déchocs 3 brancards, une ZSR 6 brancards, 1 box psy, 1 dégrisement, 1 box plâtre, 1 box suture, 7 box tri 3-4-5 et une zone post-IAO, d’une unité de lits portes et d’un plateau technique performant. Un ensemble de 1000 lits avec des urgences adultes et pédiatriques, une unité de gériatrie et de chirurgie ambulatoire, des professionnels spécialisés dans la prise en charge des addictions (toxiques et alcool), de la pédopsychiatrie, de gynéco-obstétrique et bien d’autres services viennent compléter ce dispositif.

Sur le plan de l’urgence psychiatrique :

Les détresses sociales qui sont prises en compte aujourd’hui dans le cadre de l’urgence semblent de plus en plus résulter de la situation économique. Les interventions se multiplient également lors de catastrophes, de deuils, de migrations, ou encore pour effectuer de la prévention.

Selon Gérard Salem, auteur de l’Atlas de la santé en France (paru aux Editions Eyrolles), « la santé est un révélateur des inégalités sociales. Là où il y a des personnes socialement défavorisées, l’état de santé n’est pas bon. Et inversement, une population en bonne santé joue positivement sur la dynamique du territoire ».

Dans la société, un détectage précoce se met en place : on parle de « soigner » l’échec scolaire, l’excitation psychomotrice, l’apathie, les dépressions, la fatigue professionnelle. La demande de soin augmente, alors même que l’offre médicale semble se réduire.

La circulaire du 14 mars 1990, instituant l’accueil et la prise en charge des urgences psychiatriques, a permis d’établir ce que doit être la réponse à l’urgence psychiatrique. Cette dernière s’est accrue au fur et à mesure des années, victime des succès des différentes structures répondant à cette demande. Augmentation de 64 % des passages aux urgences entre 1990 et 2001, passant ainsi à 13,4 millions en France en 2001. Avec une augmentation croissante des motifs de consultation psychiatrique.
• Victimes de leur succès : Ouvertes 24h/24h, accueil de tout le monde sans distinction, avec un plateau technique toujours plus performant, une équipe paramédicale et médicale, un psychiatre présent dans les grandes structures 24h/24.
• Réceptacle des problèmes sociaux : « Ces services (les urgences) ont une fonction de déversoir en dernière instance pour des missions que la police, la justice ou les travailleurs sociaux ne veulent assurer. » Jean Peneff in Les malades des urgences, (éditions Métailié, 2000).
Au SAU de Bicêtre, la prise en charge des urgences psychiatriques recouvre en réalité trois grandes catégories d’états pathologiques :

-  l’urgence psychiatrique pure par décompensation d’une affection psychiatrique lourde (mélancolie, grand état d’angoisse, agitation), qui à l’évidence nécessite une prise en charge en milieu psychiatrique après élimination par le diagnostic d’une affection organique ;
-  les urgences psychiatriques mixtes groupent les malades qui présentent des manifestations organiques et psychiatriques simultanées : tentatives de suicide, délirium tremens, etc.
-  les états aigus transitoires c’est-à-dire les réactions émotionnelles intenses survenant sur un terrain psychologique vulnérable à la suite d’événements, conflits et états de détresse très souvent vécus dans la solitude (tentative de suicide, ivresse, etc.)" (Définition adoptée par le rapport présenté au Conseil économique et social par le professeur Steg en 1989).
En aval, le nombre de journées d’hospitalisation complète a considérablement diminué depuis 1998. Il ne s’accompagne pas pour autant d’une diminution du nombre d’entrées. La diminution du nombre de journées d’hospitalisation complète s’explique donc exclusivement par la réduction de la durée moyenne de séjour.

Sur le plan de l’urgence somatique :

Le parcours d’un patient aux urgences hospitalières s’effectue dès l’accueil administratif et se poursuit à l’IAO qui évalue le degré d’urgence avant qu’il ne soit pris en charge au sein même des urgences par le médecin et l’équipe paramédicale.

Le tri des patients n’a de sens que s’il s’accompagne d’une amélioration de la qualité des soins et de la satisfaction des patients.

En 2002, les passages aux urgences en France ont été évalués à 13,6 millions. De l’urgence vitale à la « bobologie », ces services voient défiler une clientèle extrêmement hétéroclite, dont un nombre élevé d’usagers y ayant recours à la moindre alerte de santé (et délaissant de ce fait trop souvent leurs médecins de ville).
L’engorgement des services d’urgences met à mal les équipes de professionnels qui tentent de prendre en charge chaque patient rapidement et de manière personnalisée. Il est donc plus que jamais nécessaire de poursuivre le travail entrepris depuis 1989 (Rapport du Pr Steg). Ces dernières années ont vu ainsi se développer plusieurs initiatives dans ce sens : grilles de triage pour classer l’urgence selon un score de gravité, des Services d’Aide Médicale Initiale, l’informatisation des services, protocoles et extension du nombre d’infirmiers formés I.A.O.

Un article du monde.fr datant du 7 juillet 2010 décrit :

"A l’heure où le gouvernement propose le suivi généralisé de l’indicateur "prises en charge en moins de deux heures d’attente" pour tous les services d’urgence d’ici à 2011, quelques mots d’une étude anglaise publiée dans le BMJ ce jour sur le même sujet.

Les anglais sont passés depuis quelques années (gouvernement Blair, 2004) à un objectif de moins de 4 heures aux urgences pour y améliorer la fluidité et la satisfaction des patients. Les auteurs ont analysé les 12,2 millions de passage aux urgences en 208-2009. Ils constatent que les hôpitaux respectent le délai de moins de 4 heures mais que pour beaucoup un "pic" d’activité apparaît seulement dans les 20 dernières minutes des 4 heures, traduisant le fait que beaucoup de patients sont hospitalisés juste avant la cible des 4h (après 200-260 min aux urgences).

Les auteurs concluent que cette politique des 4 h (four hour target) ne conduit donc pas forcément à une amélioration de la qualité des soins mais plutôt à rentrer à tous prix dans les critères de délais, un peu comme si tout était fait à la "va-vite", à la dernière minute, à la fin de la période des 4 h. La réalité est sans doute à nuancer."

Pour être efficace, l’activité hospitalière doit s’efforcer de :

• Mieux évaluer les situations de vie des patients pris en charge.
• Produire de l’interconnaissance
• Formaliser les partenariats
• Renforcer le personnel spécialisé
• Créer des structures nouvelles
• Assouplir les règles administratives et financières, donner les moyens aux hôpitaux de fonctionner.
• Développer la formation des professionnels et des aidants
• Faciliter le maintien et l’accès aux soins et particulièrement à l’accueil aux urgences, l’arrivée aux urgences étant vécue comme une rupture brutale des habitudes de vie.
• Développer le réseau ville-hôpital,
• Mobiliser les élus et sensibiliser la population à la prise en charge des urgences.
Selon le site de l’ARS du Val-de-Marne, le département affiche un clivage géographique et social est/ouest, avec des retombées sanitaires évidentes. On constate un nombre élevé de structures qui couvrent d’autres territoires, et un maillage territorial de la permanence des soins assez bien équilibré.
Pour le territoire du Val-de-Marne, les caractéristiques sont :
• Une offre libérale généraliste et spécialiste faible et un rôle important joué par les centres de santé et la PMI
• Une offre médico-sociale inférieure avec des contrastes pour les personnes handicapés
• Une offre hospitalière avec beaucoup d’établissements au rôle extra-local, des recompositions inachevées et une répartition géographique inhomogène
• Un bon maillage du territoire pour les actions de santé recentralisées : tuberculose, IST, vaccination, cancer
• Quelques ateliers santé ville, situés dans des zones très précarisées, mais un maillage insuffisant
• Un dépistage des cancers du colon et du sein organisé
En conclusion, nous pouvons mieux apprécier les avantages du système décrit en matière d’accueil des urgences : il met en première ligne des professionnels formés, ayant une parfaite connaissance du réseau de soins, et surtout pour l’urgence psychiatrique, accessibles à l’idée que l’urgence est un des facteurs d’alarme d’une situation de mal-être devant être considérée sous ses différents aspects (familiaux, sociaux etc.).

Il en résulte une limitation des effets pervers de l’urgence qui entraînaient précédemment des actions inadéquates. On évite ainsi la multiplication des intervenants, le tourisme médical, et par là même, on limite d’une certaine manière les coûts de la santé.

Cela permet également d’éviter de concevoir l’urgence comme synonyme d’impasse thérapeutique. En y mettant un sens, en lui donnant vie, l’urgence est ainsi conçue comme un ingrédient à part entière d’un processus thérapeutique.

Merci pour votre attention, je reste ouvert au débat si vous avez des questions.

Commentaires

Répondre à cet article

Vous retrouverez cette page sur internet :
http://www.vaverts.fr/spip.php?article160