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17 novembre 2013
Alain Lipietz

Contribution à l’enquête publique sur la Ligne Rouge Sud

Au nom du groupe EELV, j’ai adressé la lettre suivante au président de la Commission d’enquête publique qui s’achève le 18 novembre. Elle reprend nos remarques habituelles sur la liaison Villejuif-Paris, sur le risque de démantèlement du parc des Hautes Bruyères, sur l’organisation du futur chantier de Louis-Aragon. Voir également la contribution de Natalie Gandais pour L’Avenir à Villejuif

Le 15 novembre 2013

M. le Président de la Commission d’enquête publique
sur la ligne Rouge sud M15

Préfecture de région IdF
Dir. Reg. de l’Équipement et de l’aménagement, UT Paris
Service utilité publique, pôle urbanisme
5 rue Leblanc
75015 Paris

Monsieur le Président,

Je suis le responsable du groupe EELV de Villejuif, et c’est en son nom que je vous écris. Je suis par ailleurs Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.
Nous avons depuis plusieurs années suivi attentivement la concertation sur la Ligne Rouge Sud. Avec Mme Natalie Gandais, présidente de l’association Les Ateliers de l’Avenir à Villejuif, nous avons eu le plaisir d’être reçus par MM. Garcia et Royer de la Société du Grand Paris.

La difficulté de cette enquête tient à ce que tout le monde est d’accord, et même enthousiaste pour cette ligne de métro (surtout celles et ceux qui se sont mobilisés depuis des décennies pour une rocade ferrée à quelques kilomètres du périphérique), mais assez inquiet sur les conditions de sa réalisation, en particulier pendant la période des travaux, et sur son impact urbanistique.

Par ailleurs, cette ligne semble épuiser la question des transports en commun à Villejuif, alors que la grande question est, et restera, celle du doublement de la liaison vers le nord, actuellement réduite à la demi ligne M7.

Enfin, on ne comprend pas très bien à qui s’adressent les observations à l’enquête publique sur la ligne Rouge sud : est-ce au seul « maitre de l’ouvrage », la SGP, alors que son partenariat avec le Stif est plusieurs fois évoquée et que l’objet de l’enquête publique inclut la mise en concordance des documents d’urbanisme ? Qui devra tenir compte des craintes et suggestions des habitants retenues par la commission de l’enquête publique ? La Préfecture de l’Ile de France ? Les collectivités locales (Mairie de Villejuif, Conseil général du 94) ? Les différentes structures en charge du métro : Syndicat des Transports de l’Ile de France (Stif), Ratp et Société du Grand Paris (SGP) ?
Ce n’est pas clair dans le dossier, et je préciserai, chapitre par chapitre, « à qui ce discours s’adresse ».

1. La Ligne Rouge Sud M15 comme réponse aux problèmes de transports en commun de Villejuif.

(Ce chapitre s’adresse au STIF, à la Ratp, au Conseil général 94)

La ville de Villejuif est essentiellement une banlieue-dortoir mais avec la chance de 3 grands hôpitaux. Une partie importante du personnel de ces hôpitaux (plus celui du Kremlin Bicêtre) est parvenue, au fil des années, à rapprocher jusque dans Villejuif leur emploi et leur logement. Mais la grande majorité des salariés va travailler vers Paris ou en traversant Paris ( vers La Défense par exemple) , une petite minorité « commute » vers Créteil ou Issy-les-Moulineaux. Seule cette minorité est donc directement concernée par l’ouverture de la Ligne Rouge Sud. De fait, l’ouverture de la M15 va sans doute considérablement réduire l’encombrement automobile du réseau de surface est-ouest, et c’est le principal acquis pour la ville. En tant qu’écologiste, nous nous en réjouissons vivement.

Par ailleurs, dès cette semaine, avec l’ouverture de la ligne de tramway T7, un flot de salariés affluera à Louis Aragon en venant du sud et se répartira on ne sait pas exactement comment, sans doute à peu près de la même façon que les Villejuifois. C’est à dire qu’il gonflera principalement le flux des salariés empruntant la ligne de métro M7 vers le Nord (vers Paris, le Nord ouest ou le nord-est). Or cette ligne M7 est déjà saturée aux heures de pointe. Rappelons que la ligne M7 n’est qu’une demi-ligne acceptant 2 rames sur 5 à partir de Maison-Blanche, les autres allant vers Ivry. À part inverser cette proportion (au détriment des usagers d’Ivry), on ne peut plus faire grand chose pour augmenter son débit.

La Ligne Rouge ne peut contribuer à soulager ce principal problème des transports à Villejuif que d’une seule façon : certains usagers préfèreront encore prendre cette ligne depuis Louis-Aragon vers une correspondance, en espérant trouver une ligne de métro radiale moins saturée (le RER B à Arcueil-Cachan, la M4 à Bagneux ??) Mais comme les usagers partant d’autres villes riveraines de la M15 auront eu la même idée, cela n’aura guère d’effet. Toutefois nous appelons la Ratp à en tenir compte et à prévoir l’arrêt de toutes les rames RER à Arcueil-Cachan, et le Stif à assurer la cohérence dans le temps du prolongement de la M4 à Bagneux. En réalité, la situation ne s’améliorera vraiment, en offrant à Villejuif un second accès vers Paris par transport en commun « lourd », qu’avec l’arrivée de la Ligne Bleue (M14) à IGR, vers la fin des années 2020.

En attendant, et avec l’arrivée du T7, la saturation de la M7 devient explosive. Il est donc urgent d’ouvrir au moins un site propre radial vers Paris, tel que le couloir de bus qui avait été annoncé lors de l’enquête publique sur la rénovation de la Nationale 7 et qui, mystérieusement, s’est évaporé et ne subsiste qu’au Kremlin-Bicêtre (et encore, dans un seul sens).

Nous espérons que la satisfaction d’accueillir la rocade M15 ne fera pas oublier le vrai problème de Villejuif : la faiblesse de sa liaison avec Paris et le besoin de compléter la demi-ligne de métro M7 par un transport en commun en site propre de surface. Pour une fois, les trottoirs disponibles le long de la Nationale 7 sont bien assez larges pour y loger un couloir de bus ouvert aux vélos.

2. La station IGR

( Ce chapitre s’adresse à la SGP et peut-être à la Zac Campus Grand Parc et son maître d’ouvrage, la CA du Val de Bièvre )

Contrairement à ce qui avait été présenté initialement en « consultation », la station semble devoir être, selon la presse, ouverte dans le parc des Hautes Bruyères et non pas quelques dizaines de mètres plus haut (rue de Verdun) ni plus bas (sur l’actuel parking de l’IGR). Personne n’a expliqué à la population pourquoi, si ce n’est l’argument spécieux de rapprocher de leur destination finale les salariés venant travailler à l’hôpital Gustave Roussy, ce qui revient à éloigner les habitants de Villejuif qui auraient pu emprunter cette station. C’est dommage. Pourquoi ne pas avoir songé à un transport hectométrique (tapis roulant) entre la station et l’Institut Gustave Roussy ?

Du point de vue technique, la solution qui semble choisie (encore que la documentation de l’enquête laisse ouverte la question, suggérant un faisceau permettant de nouvelles études), qui oblige le tunnel à remonter en « vrille » plus serrée depuis le passage du métro sous la Bièvre, et impose une station à plus grande profondeur, coutera 50 millions d’euro de plus et fera passer la ligne sous le campus médical. Nous osons espérer que cela ne présente aucun danger pour les appareils médicaux de Cancer Campus, et ne posera pas de problème en cas de panne dans cette rampe souterraine.

Admettons ce choix contestable et qui mérite plus ample examen. Le problème est alors de minimiser le coût environnemental pour le Parc départemental des Hautes Bruyères. La SGP a obtenu que le département du Val de Marne lui cède une vaste parcelle couvrant une portion particulièrement bien aménagée du Parc (jardin médicinal, abords du « Jardin du silence », etc) Cette parcelle apparaît énorme par rapport aux besoins du métro, même en comptant la second trou provisoire servant à évacuer les déblais du percement de la future ligne Bleue M14.

Il faut bien mesurer que cette station, même devenue correspondance après l’arrivée de la M14, restera bien moins importante qu’une autre station de métro de la ligne M14, à laquelle les urbanistes du projet de ZAC Campus Grand Parc n’hésitent pas à la comparer : Bercy. La station Bercy dessert : le Ministère des Finances, le Palais Omnisport, le Parc et la gare de Bercy, et assure la correspondance entre la M14 et la M6. On peut se rendre sur place et constater que les sorties de Bercy (place du Bataillon du Pacifique et Bd de Bercy) sont remarquablement discrètes, sans paraître étroites mêmes aux heures de pointe.

Or la « discrétion » de la station IGR par rapport au Parc est un enjeu essentiel. Ce Parc est relativement petit, surtout quand on en retranche les parties non ouvertes au public (jardins familiaux, site archéologique). Le Schéma Régional de l’Ile de France considère que l’Ouest du Val de Marne est en déficit d’espaces verts, qu’il faut agrandir ceux qui existent, et il précise (par un amendement en dernière lecture du 18 octobre 2013) que les espaces verts de Villejuif, et en particulier ce parc, doivent être respectés.

Cet amendement de dernière lecture répondait à l’inquiétude des Villejuifois exprimée dans les enquêtes publiques sur le Sdrif, sur le Schéma Régional de Cohérence Écologique et sur le Contrat de développement territorial Campus Sciences et Santé, devant les menaces de démantèlement du parc des Hautes Bruyères sous prétexte d’arrivée de la Ligne Rouge à l’IGR et du développement du pôle Cancer Campus.

Desservir Cancer Campus sans sacrifier le parc ? Si l’on considère que le débit de sortie piétons de la station IGR sera de bien moindre importance que celui de Bercy, ces impératifs contradictoires ne seront pas très difficiles à respecter par le talent des architectes. Copenhague nous donne de multiples exemples de belles stations discrètes en surface et pourtant très profondes (elles donnent accès à des lignes passant sous des bras de mer), qui semblent d’ailleurs avoir inspiré la « vue d’artiste » ci-dessous figurant sur les sites du SGP et de la ZAC Campus Grand Parc.

Ce qui suscite l’inquiétude des Villejuifois, ce sont quelques autres dessins qui présentent un grand cylindre rouge émergeant du Parc, ou les cartes du Contrat de développement territorial et celles du projet de PLU de Villejuif classant cette parcelle comme « zone d’emploi et de logement » où le bâti peut couvrir 60% du terrain libre, etc. Une telle forme de « mise en cohérence de l’urbanisme » est heureusement désormais proscrite par le Sdrif.

Dans les enquêtes précédemment citées, les Villejuifois se sont catégoriquement opposés à ce démantèlement du Parc, et le Conseil régional a fait droit à leurs inquiétudes. Nous souhaitons que les conclusions de l’enquête publique soit parfaitement claires sur ce point : on ne ménagera dans le parc définitif que des accès les plus discrets et élégants possibles, ne faisant en rien reculer la surface herbacée en pleine terre du Parc des Hautes Bruyères.

3. La station Louis Aragon

(Ce chapitre s’adresse au Stif, à la Ratp, à la SGP et à la préfecture de région, ainsi qu’à la mairie de Villejuif et au Conseil Général en tant que responsable de la voirie départementale.)

Contrairement à la station IGR dans le parc, dont la construction ne gênera que les enfants et les promeneurs du Parc, celle de la station Louis-Aragon nécessitera le creusement d’un trou profond à la place même d’un segment décisif de l’unique route départementale est-ouest D 148 reliant Vitry à Arcueil et Cachan en traversant Villejuif, au sud immédiat du centre-ville.

La population est prête à payer un prix pour cette station. Mais pas n’importe quel prix, pas dans n’importe quelles conditions. Le sud de Villejuif, et plus particulièrement le quartier autour de Louis-Aragon vit depuis plusieurs années le calvaire de la construction du tramway T7, de la rénovation (contestée) de la Nationale 7, de la démolition du Centre Edf. Ces chantiers ont été marquées par une incroyable désorganisation, due sans doute à la multiplicité des « ayant-droit à la maitrise d’ouvrage », si l’on ose dire devant la multiplicité des responsables potentiels se renvoyant la balle devant la véritable porcherie qui s’est peu à peu installée, indigne des travaux publics d’un pays avancé, apportant un cortège interminable de poussière, de boue, d’accidents, de pneus crevés (de vélos comme d’autos), de chute grave de piétons dans des trous non indiqués ni protégés, sans compter le matériel laissé à l’abandon et offert au vol, en pleine rue ou sur ce qui restait de trottoirs.

La toute première demande du quartier sud de Villejuif est de ne plus revoir ça à l’occasion du chantier Louis Aragon de la ligne 15. Il faut un interlocuteur unique et disponible (et pas un « numéro vert » où se perdent les plaintes), parlant au nom du chantier, et une association de riverains investie par la municipalité du rôle de d’avocat face aux effets pénibles du chantier sur la population, capable d’intervenir d’heure en heure en cas de formation d’un point dangereux ou particulièrement pénible à franchir, de faire des suggestions, etc.

Plus précisément. Si nous comprenons bien, la circulation sur la départementale sera maintenue malgré l’énorme trou du chantier, par une déviation nécessitant la destruction supplémentaire des commerces et habitations de la rive sud de l’Avenue Louis Aragon le long du trou, y compris les aménagements et plantations vieux d’une semaine liés à la rénovation de la Nationale 7. Il nous est difficile de prétendre, sans le secours d’un bureau d’étude, qu’une autre solution serait possible en déviant la départementale par les rues parallèles, par exemple via l’avenue Karl Marx. Une telle étude a-t-elle au moins été faite ? Est-il encore temps de la faire ?

En tout cas, ce coût humain et matériel exorbitant doit être limité au maximum, et nous espérons que de jolis bâtiments comme le pavillon 3, rue Jean Jaurès, faisant partie du « charme du quartier », seront épargnés.

Reste le chantier lui-même, et notamment le mouvement des camions évacuant les déblais.

Les centaines de Villejuifois qui ont assisté à la « concertation » dans la salle de congrès des Esselières ont baissé la tête quand le chiffre de 40 rotations de camions par jour a été annoncé. Nous ne pouvions à cette époque esquisser le moindre murmure, tant que le principe du lancement de la ligne Rouge Sud n’avait pas encore été acté. Il est temps, aujourd’hui, de soulever des objections et d’avancer des suggestions.

Une telle noria de camions au cœur de la ville est-elle inévitable ? Non. Sur le plateau de Villejuif , à Louis-Aragon, on n’a pas de cours d’eau mais on a deux voies ferrées : la M7 et le T7. Il est tentant sur le papier mais sans doute difficile de « brancher » un chemin de fer Decauville sur la M7 pour évacuer les déblais vers la Seine. En revanche, il est certainement peu couteux de le brancher, de plein pied et à quelque mètres du chantier, sur le terminus du tramway, et d’évacuer la terre par des convois s’intercalant entre les rames du tramway, ou en dehors des heures de service, vers la plaine de Montjean où elle sera stockée et transbordée.

Interrogés sur cette suggestion, des responsables de la SGP nous ont dit que c’était une bonne idée, mais que la Ratp n’accepterait sans doute pas. Nous nous tournons donc vers la Ratp, mais surtout vers la préfecture de région : il serait inadmissible que les habitants-contribuables soient une fois de plus les victimes de mésententes entre des entreprises semi-publiques (comme entre Ratp et Sncf à propos du RER B), et qu’une solution techniquement réalisable et bénéfique pour l’environnement et la qualité de vie des habitants pendant le chantier soit rejetée, pour la raison institutionnelle que la SGP n’est pas la Ratp.

En résumé, nous demandons un chantier propre, sécurisé, impactant au minimum le quartier, avec un « circuit court » de surveillance et d’alerte entre un comité des résidents et un responsable de chantier identifié et disponible, et l’évacuation des déblais par la voie ferrée du T7.

***

En espérant être entendu, Monsieur le Président, je vous prie d’agréer l’expression de ma considération distinguée.

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